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Discrimination n’équivaut pas à persécution nous dit la Cour fédérale

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33. Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

Article 33 de la  Convention relative au statut des réfugiés

 Le 03 novembre dernier, la Cour fédérale rendait une décision concernant une demande de révision d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR) rejetant l’appel d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR).

La décision portée en appel, dans un premier temps, refuse le statut de réfugié à un homme puisque la SPR a jugé que l’homme ne satisfaisait pas aux conditions de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. De plus, l’instance a aussi conclu que l’homme ne pouvait être considérée comme « personne à protégée » au sens de l’article 97(1) de la Loi.

Les faits dans la présente affaire sont les suivants. L’homme, Kassim Mohamed Ali, a d’abord voyagé de la Somalie à l’Éthiopie avant d’arriver au Canada en septembre 2013. De confession musulmane et membre d’un sous-clan du groupe minoritaire du Reer Hamar. M. Ali prétend que, en raison de sa relation secrète hors mariage avec une femme devenue enceinte, il risque de subir des persécutions à la foi de la part de la famille de la femme, mais aussi de la part du groupe Al-Shabaab qui considère que son comportement est contraire à l’Islam. L’homme allègue finalement qu’en raison de son appartenance à un clan minoritaire, dans l’éventualité d’un retour en Somalie, il ne disposerait d’aucune protection contre de possibles persécutions.

La décision de la Cour fédérale est intéressante par la distinction qu’elle fait entre « discrimination » et « persécution ». D’abord, il faut comprendre qu’un des motifs d’appel de M. Ali était celui selon lequel, dans son appréciation de la qualification de M. Ali en tant que réfugié, la SAR avait erré en concluant que la preuve de discrimination ne suffisait pas à conclure à la persécution au sens de l’article 76 de la Loi. La Cour fédérale est ainsi venue confirmer ces propos au paragraphe 24 de sa décision :

 Finally, with respect to grounds (ii) and (iv) set out in paragraph 21 above, documentary evidence corroborates the fact that the Reer Hamar may have been subjected to some degree of exploitation or marginalization.  However, the RAD found that discrimination alone does not amount to persecution.

L’article 76 de la Loi se lit comme suit :

 96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques […]

Cette distinction est intéressante au regard des obligations internationales auxquelles le Canada a souscrit dans le cadre de sa ratification de la Convention relative au statut de réfugiés. En effet, lorsqu’on lit le libellé de l’art. 33 de cette Convention, il semble que les exigences à remplir par le réfugié soient moindres. Ainsi, on ne parle pas de « persécution » comme à l’article 76 de la Loi, mais plutôt d’une « menace à sa liberté », soit en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

Il semble donc raisonnable de croire que comme la SAR l’a reconnu, la situation de discrimination et d’exploitation vécue par le groupe minoritaire auquel appartient M. Ali représente à tout le moins une menace à la liberté de ce dernier. Si on se range derrière cette affirmation, n’y a-t-il pas lieu de se poser la question à savoir s’il n’existerait pas un écart entre les exigences de l’article 33 de la Convention et celles de l’article 76 de la Loi ?

Autrement dit, puisque le Canada est lié par la Convention, n’y a-t-il pas lieu de croire que l’article 76 de la Loi impose des exigences qui, étant trop élevées, contreviennent à cet engagement ?

Le débat est lancé.

 

 


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